Expositions
23 Janvier - 22 Mars 2008
Avec Francis Alys, Istvan Balogh, Denis Darzacq, Sebastian Diaz-Morales, Hreinn Fridfinnsson, Cécile Hartmann, Bas Jan Ader, Martin Le Chevallier, Manuela Marques, Loan Nguyen, Lucien Pelen, Stephen Wilks
Stéphane Carrayrou, commissaire invité
« Cette exposition se structure à la confluence de divers questionnements. Elle interroge tout d'abord la capacité qu'ont certains gestes ou attitudes corporelles de créer des suspens dans le cours des choses et dans l'image. Dans la plupart des photographies et des vidéos exposées, des figures solitaires - ou les artistes eux-mêmes - (se) sont mis en scène dans des paysages naturels ou urbains. Ces acteurs ou observateurs sont autant de relais visuels de notre propre corps à l'intérieur de l'image; leur « présence » corporelle a un pouvoir de cristallisation, à la fois sur notre regard et sur notre imagination. Saisis dans l'intensité de leur immobilisation, leurs gestes n'ont pourtant rien de spectaculaire. Libérés de l'instrumentalisation à une fin, à un sens aisément identifiables ou interprétables, ils se déploient librement dans l'étendue et la profondeur des espaces traversés, avec lesquels ils entrent en résonance. Ce faisant, ces figures nous mettent à notre tour dans une disposition d'écoute...
Cette réceptivité nous rend attentifs à ce qui, dans les images elles-mêmes relève d'une forme d'écoute. Par quels moyens plastiques certaines images ont-elles le pouvoir de faire advenir une telle qualité de présence? Chacune des uvres réunies dans l'exposition y répond à sa manière : par des gradations d'ombre et de lumière, des textures de sols ou de ciels propres à agir sur notre mémoire sensorielle; par de subtiles correspondances formelles, à l'intérieur de l'image, entre des éléments éloignés: par exemple entre un geste et un élément du décor; ou encore par l'irruption d'indices de fiction dans un cadre banalisé... Un caractère commun lie toutefois ces images: elles ne s'appréhendent pas en bloc, frontalement; elles ménagent des seuils pour la vision et l'entendement, transmettent une sensation de lointain, se prolongent dans le temps; elles désignent un « horizon du sens » lui-même « posé au loin comme un mirage » (Roland Barthes). Autant d'incitations à tendre l'oreille pour entrer en consonance avec elles...
Dans le silence bruissant de ces images, une dimension fictionnelle s'immisce parfois discrètement. Plutôt que de fiction, il serait d'ailleurs plus juste de parler de fable ou de « fabula », avec la vision philosophique et métaphorique sur le monde qui s'y attache. La fable, dans sa capacité à énoncer, dans un langage imagé souvent simple, des questionnements existentiels ou philosophiques, des « horizons du sens » illimités; en procédant du reste fréquemment par déplacement de la question posée... ».
Stéphane Carrayrou.